Né en 1938, le Morinandais Yves Mahuzier est le sixième de neuf enfants (3 filles, 6 garçons) nés de « parents dotés d’une folie douce » : Albert et Janine Mahuzier. « Mon père » raconte Yves, « a toujours eu deux obsessions dans la vie : l’aventure et sa famille. Rien de bien étonnant si j’ai connu ma première expérience de camping dès l’âge de six mois avec pour lit une valise ! ».
Dans les années 50/60, le nom de Mahuzier était connu non seulement de nombreux français mais aussi de nombreux étrangers. C’était un nom qui faisait rêver au même titre que ceux de Frison Roche, Cousteau ou bien encore Paul-Emile Victor. Avec eux, il fut l’un des co-fondateurs de « Connaissance du Monde », un circuit de films-conférences qui irriguait et irrigue toujours la France.
« À Mahuzier, rien d’impossible »
Dans la famille Mahuzier, les réelles grandes aventures vont débuter en 1952, en Afrique, dans l’ex Congo Belge. Suivront l’Australie en 1955 et le Canada en 1957. « Comme chaque expédition se faisait avec la famille au grand complet, il y avait pour tous un cahier des charges à respecter. Il convenait d’abord de s’entraîner. Pour cela les gorges de l’Ardèche étaient le terrain idéal. Au programme de ces stages : marche, kayak, camping. Ensuite venait l’organisation minutieuse du voyage qui allait définir la répartition des tâches de chacun ».
Chez les Pygmées à 14 ans
« Alors, quand mon père a décidé de partir au Congo à bord de trois camionnettes Renault, tout était planifié. La première contenait le réfrigérateur, la deuxième transportait la caisse de sable pour la conservation des carottes qui tout au long du voyage allaient servir à la préparation de la soupe du petit dernier de la famille, mon frère Alain qui n’avait que 22 mois, et dans la troisième se trouvait une cantine contenant les livres scolaires dont mon frère François et moi-même avions la charge mais que nous nous arrangions toujours pour qu’elle soit tout au fond du coffre. Ainsi, nous avons pu échapper à pas mal de versions latines ! ».
En Afrique, en Australie, au Canada, la « tribu » Mahuzier ne s’y rendait pas pour y passer deux ou trois semaines, si bien que tous les enfants eurent un peu de retard dans leurs études, mais quelle chance ils ont eu d’avoir pu découvrir le monde de cette manière, d’apprendre la géographie grandeur nature, et de vivre avec des familles qui, bien que dans des environnements très différents sous des latitudes différentes, ont parfois des problèmes qui rejoignent un peu les nôtres. « Mon père disait à qui voulait l’entendre que nous étions une famille qui allait rendre visite à d’autres familles. Nous ne recherchions pas le luxe, loin s’en faut, ce qui faisait également dire à mon père que nous faisions des voyages de milliardaires avec des moyens de clochards ».
Ré comme point d’ancrage pour des amoureux du Japon
Malgré les voyages, les tournées « Connaissance du Monde » dans lesquelles il assistait son père, Yves Mahuzier n’échappera pas au service militaire qu’il effectuera en Algérie. C’est à son retour, en 1964, qu’il épousera Danielle avec qui, un peu sur le modèle parental, ils feront tout ensemble, tout en famille. « Si j’ai certes appris les fi celles du métier avec mon père, disons qu’avec Danielle nous nous complétons. Pour dire, nous nous sommes faits un peu nous-mêmes. Nous montons les films ensemble, nous rédigeons nos livres ensemble, nous avons même fait nos enfants, Pascal et Béatrice ensemble ! C’est tout vous dire ! ».
Avant qu’Yves et Danielle n’achètent leur maison du Bois-Plage en 1986 pour s’y installer définitivement en 2001, la famille avait pour habitude de venir dans l’île, entre deux tournages, entre deux voyages, et ce, en camping-car. « À cette époque, à la fi n des années 50, au début des années 60, nous étions quasiment les seuls à utiliser dans l’île ce mode de déplacement. Ça ressemblait à une réelle aventure, on pouvait se stationner en pleine nature, là où l’on voulait. »
Aujourd’hui, avec la « révolution touristique », avec des gens qui voyagent facilement, avec la télévision et des chaînes comme Planète ou bien National Geographic… « Connaissance du Monde » se doit de dépasser le stade de la simple aventure. Il lui faut désormais montrer au public ce que l’on ne peut pas voir en ne restant que quelques jours dans un pays, et pour cela, il y a toujours de la demande.
C’est ce qu’Yves et Danielle ont fait au Japon en y résidant durant cinq ans et en montrant que ce pays est autre chose que tous les clichés dont il est victime : grande puissance économique, cerisiers en fleur, geshas, tsunami, etc. « En nous y faisant des amis, en vivant comme eux, les Japonais nous ont fait découvrir la réalité japonaise, l’âme du pays, des choses ignorées jusqu’alors du grand public et que nous avons pu leur faire découvrir ou leur faire prendre conscience ».
Si Yves et Danielle ont arrêté les tournées « Connaissance du Monde » en 2005, ils n’ont pas pour autant coupé les ponts avec le Japon, se faisant même les organisateurs de sept voyages à destination du pays du soleil levant. Aujourd’hui, au Morinand, s’ils habitent une maison un peu grande pour eux deux, c’est pour pouvoir y recevoir les enfants et les amis, japonais et autres, de passage.
Jean-Pierre Pichot