PROUST ET LA GUERRE

À la recherche du temps perdu fut en grande partie écrit et récrit pendant et juste après la Première Guerre Mondiale. Si ce roman a pris les proportions qu’on connaît, c’est directement à cause de la Guerre, qui a suspendu la publication des deux volumes qui devaient suivre Du côté de chez Swann. Or Proust n’est pas considéré comme un des écrivains de la Grande Guerre. Non parce qu’il n’en parle pas, mais parce qu’il en parle de l’arrière, lieu abject, peuplé de femmes et d’enfants, de vieillards, d’invalides, d’homosexuels et d’embusqués. Cet ouvrage s’applique à démontrer que Proust, malgré – ou, selon sa formule qui renverse la relation causale, à cause de – sa condition d’écrivain de l’arrière, fait partie de ces écrivains dont l’écriture est profondément marquée par la guerre dont il a su, en fin stratège, tirer d’indéniables profits tout au long de l’élaboration de son roman.

Brigitte Mahuzier, professeur de langue, civilisation, et littérature françaises aux Etats-Unis à Bryn Mawr College, est spécialiste des dix-neuvième et vingtième siècles. Ses plus récentes recherches et publications portent sur des auteurs dont les oeuvres ont été marquées par les guerres et les conflits au cours du « long dix-neuvième siècle ». Elle prépare un ouvrage sur l’imaginaire de la glorieuse défaite, de Waterloo à Verdun.