Depuis quelques semaines, « Aventures », une télémission qui avait acquis une grande popularité, l’an dernier, accueille un explorateur-conférencier de réputation internationale. Albert Mahuzier a eu l’occasion de se faire connaître aux téléspectateurs par l’intermédiaire des émissions « Rendez-vous avec Michelle » et « Pays et Merveilles ». Il n’est donc pas nécessaire, sans doute, de le présenter à nos lecteurs.  

D’ailleurs, ceux qui ont suivi la série « Aventures » et qui ont vu, sur film, la vie qu’a menée la famille Mahuzier au coeur de la forêt des Ituri ont probablement réagi comme votre humble serviteur. Devant un homme aussi audacieux que M. Mahuzier,il n y a plus qu’à lever son chapeau. Combien, en effet, partiraient habiter chez les Pygmées avec un enfant en bas âge ?

Comme aventure, on ne peut demander mieux. C ’ est du réel, de l ’ authentique, du vrai 100 p. 100 .

Et comme invité de la série “ Aventures », Albert Mahuzier n ’ a pas déplu au grand public.

Mais il a scandalisé la mino ­ rité. Oh, une toute petite minorité, et c ’ est bon signe.

Mais il se trouve encore, dans la bonne et sainte province de Québec, des âmes pudiques pour se scandaliser de voir, à la télé ­ vision, des indigènes, même aussi arriérés que les Pygmées d ’ Afrique, en petite tenue.

Certains spectateurs ont même écrit à Wilfrid Lemoine, pour se plaindre. Le nombre des lettres est si restreint qu ’ il serait peut- être plus simple de les passer sous silence, mais Albert Mahu­zier a voulu, par courtoisie pour cette minorité de téléspectateurs, expliquer son point de vue sur les nus indigènes de ses films.

La première raison, et naturellement la plus simple, c ’ est qu ’ il est explorateur-cinéaste et non metteur en scène. Il filme les gens d ’ un pays tels qu ’ il les trouve. La preuve qu ’ il a raison, c ’ est qu ’ il a trouvé un public en France, en Suisse, en Belgique et ailleurs, pour ses films d ’ exploration.

Mais M. Mahuzier, qui a vu de près les conditions de vie des* indigènes, soutient même que le nu, chez les indigènes d ’ Afrique, est plus à  recommander que

[blanc]

Son niveau de vie, de façon qu’il puisse se payer du savon. Vêtu mais privé de savon, l ’ indigène devient vite plus sale qu ’ il ne serait, s ’ il restait nu.

De plus, ce n ’ est pas tout de vêtir l ’ indigène, encore faut-il lui fournir des vêtements de rechange, quand ceux qu ’ on lui a don­nés sont usés ou bien des mo­yens de raccomoder et de tenir propres ceux qu ’ il possède.

Au point de vue propreté, au point de vue esthétique, le nu des indigènes est préférable, selon M. Albert Mahuzier, au port de guenilles malpropres. Mais il y a un troisième point de vue, non moins important. Le noir qui mène une existence primitive ne connaît pas l ’ effet préjudiciable que peut avoir un vêtement mouillé. S ’ il est surpris par la pluie, il gardera son vêtement et at ­ tendra qu ’ il lui sèche sur le corps.

Résultat : des maladies qu il ne connaissait pas auparavant font leur apparition dans la tribu. La — plus terrible est la tuberculose.

D ’ ailleurs, c ’ est un fait historique que certaines îles polynésiennes ont été dépeuplées par des administrateurs blancs qui ont imposé des coutumes européennes aux indigènes sans avoir suffisamment réfléchi aux conditions locales.

Aujourd ’ hui, même les missionnaires ont compris : si les noirs n ’ ont pas d ’ abord appris les rudiments de l ’ hygiène, on ne les in ­ cite pas à se vêtir.

Peut-être, quand ils auront compris le pourquoi du nu indigène, les quelques téléspectateurs qui n ’ ont pas aimé les nus des films Mahuzier conviendront ils qu ’ ils se sont objecté sans raison.

Quand la présente série sur l ’ Afrique sera terminée, Albert Mahuzier nous amènera en Australie, où il a vécu chez les ex ­ cannibales canaques.

Là encore, le long métrage qu ’ il a rapporté de son expédition sera découpé en tranches, pour faire un nombre déterminé de programmes d ’ une demi-heure. En tout, M. Mahuzier animera 11 émissions, dans la série “ Aventures ».

Et même plus, si un projet à l ’ étude se réalise. En effet-, Albert Mahuzier n ’ était pas venu au Canada pour faire de la télévision mais pour tourner un film sur les oiseaux migrateurs. Il l ’ a d ’ ailleurs tour ­ né, ce film, et il est question qu ’ on nous le montre vers le mois de juin prochain, alors que le montage sera entièrement terminé.

M. Mahuzier devait aussi donner une série de conférences au Canada. Apparemment, l ’ agent qu ’ il avait engagé pour organiser ses conférences ne s ’ est pas mon ­ tré très actif, et c ’ est plutôt par un demi-échec que se termine cette tournée de conférences.

Par contre, à l ’ émission “ Aventures ” , Albert Mahuziers ’ est créé un public et s ’ est fait des amis. Si le point de vue qu ’ il exprime sur les nus indigènes paraît fondé à la petite minorité qui s ’ est offusquée, on pourra dire alors qu ’ ils ne s ’ est fait que des amis au Canada.