Depuis trois jours, la ville de Meiktila, dans le centre de la Birmanie, est le théâtre d’une flambée de violences entre bouddhistes et musulmans, qui a fait au moins 20 morts. Les tensions religieuses ne sont pas nouvelles dans le pays, ce qui inquiète d’autant plus les autorités birmanes et la communauté internationale.
Vendredi, les autorités birmanes ont instauré l’état d’urgence dans quatre communes après trois jours d’émeutes qui ont fait au moins 20 morts (aucun bilan officiel n’a été communiqué). Cette brutale flambée de violences communautaires survient alors que les relations entre bouddhistes et musulmans sont extrêmement tendues depuis plusieurs mois.
Point de départ de ces violentes émeutes : une querelle survenue dans un marché entre un vendeur musulman et des clients bouddhistes, qui a tourné à une bagarre. A la suite de cet incident, la ville de Meiktila est devenu le terrain des émeutiers et des quartiers et des mosquées ont été détruites.
Pour Alain Mahuzier, cinéaste, conférencier, archéologue et spécialiste de la Birmanie, cette flambée de violences s’explique par plusieurs raisons.
La première est historique. « Ce sont de vieilles rancunes des uns et des autres qui ressortent aujourd’hui », souligne le spécialiste. En effet, lors de la période de la colonisation britannique, certains musulmans ont œuvré avec le Royaume-Uni. A l’indépendance, les birmans n’ont pas oublié cet épisode et ont, dès lors, considéré les musulmans comme des immigrés. De leur côté, « les musulmans ont toujours considéré les bouddhistes comme des idolâtres et n’ont guère de considération pour eux ».
La seconde explication est sociale. « Alors que la Birmanie est un pays très pauvre, l’enrichissement des commerçants, majoritairement musulmans, a sans doute attisé une certaine haine », note Alain Mahuzier.
La question de la minorité des Rohingyas
Alain Mahuzier souligne également l’importance des événements violents des derniers mois entre ces deux communautés.
En effet, deux vagues de violences opposant les bouddhistes de l’ethnie rakhine et les musulmans apatrides de la minorité des Rohingyas ont fait au moins 180 morts et 115.000 déplacés en 2012, dans l’Etat Rakhine (ouest du pays). L’Etat birman ne reconnaît pas les 800.000 Rohingyas et ces derniers demeurent considérés par la majorité des Birmans comme des « immigrés illégaux ».
Pour autant, si Alain Mahuzier ne craint pas un embrasement du pays, il estime que cet incident « risque d’attiser encore un peu plus les animosités historiques et sociales».